Un boulanger de Besançon a entamé une grève de la faim depuis dimanche dernier pour protester contre l'expulsion de son apprenti guinéen. Ce jeune migrant, entré illégalement sur le territoire,
est visé par une obligation de quitter le territoire français et une expulsion.
Il n'a rien avalé depuis dimanche dernier. Stéphane Ravacley, un boulanger du quartier Rivotte de Besançon a entamé depuis trois jours une grève de la faim
pour garder son apprenti guinéen, Laye Fodé Traore, jeune majeur visé par une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et menacé d'expulsion. Une réaction pour le moins radicale
qui traduit une incompréhension de la part du boulanger : avant sa majorité, le jeune homme était pris en charge par l'État. Mais depuis qu'il est majeur, l'État lui demande de quitter le
pays.
Parti de Guinée et arrivé en France comme mineur isolé après être passé par le Mali, la Libye et avoir traversé la Méditerranée pour rejoindre l'Italie, avant de rallier la France, Laye Fodé
Traore a désormais l'obligation de quitter le territoire. Une véritable injustice pour Stéphane Ravacley, qui a pris sous son aile le jeune homme depuis plus d'un an. "C'est un gamin
qui travaille bien. Il arrive à partir de 3 heures du matin et repart vers 7h30. Cela fait un an et demi qu'il travaille avec moi. C'est un taiseux. Il bosse et apprend, il a compris déjà
l'essentiel du métier. Ce gosse, il parle mieux français que moi !", raconte-t-il au Parisien. "Il y a une place pour lui dans mon fournil", insiste le boulanger,
qui prévoyait de le prendre comme ouvrier au terme de sa formation.
Face à la détermination du boulanger, et pour l'aider dans sa démarche, la maire EELV de Besançon, Anne Vignot, a écrit mardi au ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, pour lui demander de s'"opposer à cette expulsion et de régulariser la situation de Laye Fodé Traoré". "On attend que monsieur Darmanin prenne ses responsabilités vis-à-vis d'une politique humaniste", explique l'édile. "Cette personne est intégrée, elle s'est formée, elle a accepté toutes les règles de notre République. On ne peut pas considérer qu'on aurait une politique d'accueil des mineurs qui leur donne une formation, et au moment de leurs 18 ans, on leur dit 'rentrez chez vous' !" "C'est inhumain, c'est insupportable", martèle Anne Vignot au micro d'Europe 1.
De son côté, le jeune Guinéen a saisi le tribunal administratif de Besançon sur le fond pour contester l'OQTF et le refus d'octroi de titre de séjour de la préfecture de la Haute-Saône. Son recours sera examiné le 26 janvier. Il avait été débouté d'un premier recours en référé en décembre. "On perd 70% des jeunes après le CAP parce qu'ils n'ont plus envie, ou parce que les patrons ne s'occupent pas bien d'eux", déplore le boulanger bisontin, qui peine comme beaucoup d'artisans à trouver des apprentis. "Alors, pourquoi on n'accepte pas ces gamins qui meurent de faim dans leur pays et veulent travailler chez nous ? Ils ne prennent pas la place des Français", s'insurge-t-il.
En plus de sa grève de la faim, Stéphane Ravacley a lancé une pétition sur internet. Cette dernière a recueilli près de 133.900 signatures (mercredi à 13 heures) et plus de 100.000
"j'aime" sur Instagram depuis que l'eurodéputé Raphaël Glucksmann (Place Publique) l'a relayée.
Europe1, Par Arthur Helmbacher, édité par Ugo Pascolo avec AFP
Le 6 janvier 2021