Biens mal acquis
Depuis mai 2007, la «
République Reprochable » de Nicolas Sarkozy s'incarne aussi dans ses rapports toujours troubles avec quelques dictateurs africains. La France a
prétendument une justice indépendante. Nicolas Sarkozy avait promis une rupture avec la Françafrique. La rupture fut modeste : elle ne concernait que le redéploiement, pour raisons
budgétaires, des implantations militaires françaises en Afrique. En matière d'éthique et de justice, la rupture n'a pas eu lieu, bien au contraire. Depuis mai 2007, la justice se voit
bloquer dans ses tentatives d'instruire les plaintes successives déposées contre le détournement de fonds de quelques dirigeants étrangers. La Sarkofrance reste un joli
paradis fiscal pour dictateurs en tous genres. Rappelons quelques faits.
En 2007, une enquête de l'Office central de répression de la grande délinquance financière (révélée par
Le Monde en février 2008 ) mettait en évidence l'importance
des biens possédés en France par quelques chefs d'Etat et leur famille en France. En juillet 2008,
une
plainte avait été déposée par l'association Transparency International (TI) contre 5 chefs d'Etats africains (le Gabonais Omar Bongo, le Congolais Denis Sassou Nguesso,
l'Equato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, l'Angolais Eduardo Dos Santos et le Burkinabé Blaise Compaoré ), pour «
recel de détournement de biens publics ». En décembre 2008,
TI-France déposait une nouvelle plainte à Paris contre trois de 5 présidents (Denis Sassou Nguesso du Congo, Teodoro Obiang Nguema de Guinée-Equatoriale et Omar Bongo), dont le
patrimoine immobilier en France était estimé à 160 millions d'euros. En octobre 2009, le parquet de Paris l'avait déclaré irrecevable. Mais au grand dam du gouvernement français, la
Cour de cassation française jugeait recevable cette constitution de partie civile
en novembre 2010.
En décembre, deux juges d'instruction parisiens Roger Le Loire et René Grouman ont été désignés pour mener l'enquête. Au même moment, France24, la chaîne d'information de
l'audiovisuel extérieur, censurait un reportage sur l'affaire, à la demande d'un gouvernement africain d'après le site
Rue89. Un journaliste de la chaîne avait filmé une conversation lors d'un
sommet à Tripoli, en Libye, où l'on entendait le Camerounais Paul Biya déclaré au Sénégalais Abdoulaye Wade, et au Guinéen Téodoro Obiang Nguema : «
Ils ne peuvent pas
établir que j'ai une fortune ou je ne sais pas moi. ».
Prudences françaises
Ce
lundi, Nicolas Sarkozy recevait
Ali Bongo, le président du Gabon, son ami élu à la succession de son père en août 2009 après un scrutin contesté.
Coïncidence des dates, le procureur général Abdel Meguid Mahmoud, en Egypte, a demandé aux gouvernements étrangers le gel des avoirs à l'étranger de l'ex-autocrate Hosni Moubarak et
de sa proche famille, estimés à plusieurs milliards de dollars. La
Suisse a déjà annoncé la semaine dernière le gel
des avoirs identifiés sur son territoire.
Il y a 8 jours, la France avait été saisie d'une
demande similaire de gel portant sur les biens de 7 anciens responsables égyptiens, mais pas Hosni Moubarak.
Des officiels du Quai d'Orsay avaient indiqué, anonymement, que le gouvernement français se contentait d'une «
mise sous surveillance ». Et Christine Lagarde a botté en touche en déclarant qu'elle attendait une réponse européenne sous quelques jours...
Couacs français en Tunisie et en Libye
En Tunisie, le nouvel ambassadeur français veut «
créer des solutions.» Lors d'une première rencontre avec des journalistes locaux, il est paru si hautain qu'il a motivé la
tenue d'une manifestation devant son ambassade,
vendredi 18
février, réclamant son départ. «
N'essayez pas de me faire tomber sur des trucs débiles. Franchement, vous croyez que j'ai ce niveau-là ? Vous croyez que moi, je
suis dans la petite phrase débile ? » avait-il sèchement répondu aux questions de journalistes
dans une video certes tronquée mais édifiante. Dimanche, le nouvel ambassadeur français s'excusait publiquement à la télévision
tunisienne, qualifiant son «
bizutage » de «
bénéfique ». Le même Boillon, si «
moderne » avait surpris
voici 5 mois à peine, quand il défendait sur le plateau de
CANAL+... le colonel Kadhafi : «
Kadhafi a été un terroriste, il ne l’est plus, il a fait son autocritique. (…) Dans sa vie on fait tous des erreurs et on a tous droit au
rachat.»
En Libye, les manifestations contre le pouvoir en place ont fait entre 200 et 400 morts selon les estimations. L'administration américaine a dénoncé le «
bain de
sang ». Même à l'Elysée, on a du réagir, mais prudemment : Nicolas Sarkozy a donc condamné lundi «
l'usage inacceptable de la force » et exigé «
l'arrêt
immédiat » des violences. On se souvient de la visite du dictateur libyen,
le 10 décembre
2007, jour anniversaire de la déclaration des droits de l'homme.
Mardi 22 février, Christine
Lagarde, la ministre de l'économie, se rend justement en Tunisie, accompagné du désormais silencieux Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat aux affaires européennes. Le communiqué
officiel précise : «
ce premier déplacement (...) sera l'occasion de réitérer un message politique de soutien à la transition démocratique engagée et de souligner la disponibilité
de la France pour aider le peuple tunisien à concrétiser ses aspirations et construire une Tunisie démocratique et prospère.» On sera à peine surpris de voir que Michèle
Alliot-Marie, ministre des affaires étrangères, n'est pas de ce premier déplacement officiel française en Tunisie depuis la chute de Ben Ali.
Ses jours sont-ils comptés ? Officiellement, la ministre est au ...
Brésil. Les pays arabes s'embrasent, et la chef de la diplomatie française s'en va ... en Amérique latine.
Écrire commentaire