Il s’agit du pire naufrage en 2019 sur la route des migrations longeant la côte Atlantique.
Au moins 62 migrants africains sont morts noyés mercredi au large de la Mauritanie en tentant de gagner l’Europe, dans le pire naufrage en 2019 sur la route des migrations longeant la côte Atlantique, a annoncé l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et les autorités mauritaniennes, jeudi 5 décembre.
Un précédent bilan faisait état de 58 morts. Mais cinq nouveaux corps ont été rejetés par la mer jeudi au lendemain du désastre, portant le nombre des victimes à 63, selon une source sécuritaire.
L’Organisation internationale pour les migrations a, quant à elle, fait état de 62 décès.
La mort de ce groupe - des Gambiens dans la très grande majorité, selon leur capitale - après une semaine en mer à bord de ce que les Mauritaniens ont décrit comme une embarcation de fortune est
un rappel de plus des risques que prennent des milliers d’Africains pour tenter de rallier l’Europe pour un mélange de raisons économiques, sociales ou politiques, et du coût humain de ces
migrations.
Près de 25 000 personnes sont mortes depuis janvier 2014 en tentant de rejoindre l’Europe, a indiqué l’OIM. La grande majorité (19 154) ont péri en Méditerranée sur les principales routes d’accès au continent européen. Mais plus de 480 ont aussi perdu la vie sur la route d’Afrique de l’Ouest, dont environ 160 en 2019. Le naufrage survenu mercredi est le plus meurtrier cette année sur cette route, selon l’OIM.
La « tragédie de l’immigration clandestine »
Le groupe de 150 à 180 personnes, dont des femmes et surtout des jeunes de 20 à 30 ans, s’était embarqué le 27 novembre en Gambie, à bord d’une pirogue à moteur, selon les informations concordantes de l’OIM et des autorités mauritaniennes. Destination : les Canaries, archipel espagnol au large du Maroc et porte d’entrée potentielle en Europe.
« Ils n’avaient plus d’essence, ils ont voulu se rapprocher de la Mauritanie et ont heurté un rocher », a relaté la porte-parole de l’OIM pour l’Afrique de l’Ouest, Florence Kim. L’embarcation « a commencé à prendre l’eau. Ils n’étaient pas très loin du rivage, mais une forte houle les a empêchés d’atteindre la côte en bateau », a indiqué une source sécuritaire mauritanienne.
Ils ont quitté l’embarcation à la nage. Quatre-vingt-trois naufragés, dont dix mineurs, sont parvenus à rejoindre le rivage selon l’OIM. Mais des dizaines d’autres ont péri. Les victimes ont été enterrées près de Nouadhibou dans la nuit, sans attendre, selon les prescriptions musulmanes, et sans être identifiées, selon la porte-parole de l’OIM.
Les rescapés ont été pris en charge à Nouadhibou, place portuaire et deuxième ville de Mauritanie. Ils « sont très fatigués, affamés, le moral à zéro, mais ils reprennent leurs forces et leurs esprits petit à petit », a déclaré un médecin de service sous le couvert de l’anonymat. « Ils sont sous le choc », a noté la porte-parole de l’OIM. Des psychologues étaient attendus sur place vendredi.
Les rescapés ont été recueillis « suivant les règles d’hospitalité qu’exigent la solidarité humaine, la fraternité et l’hospitalité africaines », a déclaré le ministère mauritanien de l’intérieur. « Cette situation rappelle, s’il en est besoin, la tragédie que cause le phénomène de l’immigration clandestine, qui décime la jeunesse africaine. Elle interpelle sur la nécessité de conjuguer les efforts pour endiguer cette spirale mortifère »
Relatif regain pour la route occidentale
Parmi les voies de migration pour gagner l’Europe, la route de l’Afrique de l’Ouest, par mer ou par terre, fut l’un des itinéraires privilégiés, emprunté par des dizaines de milliers de migrants au milieu des années 2000. Par la mer, des sortes de bateaux taxis collectent les migrants dans les ports au départ du golfe de Guinée. Les Canaries (Espagne), à une centaine de kilomètres des côtes marocaines, offraient l’une des principales portes d’entrée à l’Union européenne.
Les mesures prises par l’Espagne ont réduit le flux, au point qu’un centre pour les migrations à Nouadhibou a été fermé, selon un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP). Au même moment, les migrants empruntaient en nombre les trajets méditerranéens vers l’Espagne, la Grèce ou l’Italie. Mais la route occidentale connaît un relatif regain depuis environ deux ans, en raison des mesures prises contre la migration transitant par la Libye, indique Florence Kim.
La Gambie est, en proportion de sa population d’environ deux millions d’habitants, l’un des pays qui connaissent le plus de départs, pour une combinaison de raisons, et pas seulement économiques malgré la pauvreté du pays, précise la porte-parole. Elle évoque l’absence de foi dans l’avenir, ou la pression familiale intense comme au Sénégal voisin.
lemonde.fr
Le 5 décembre 2019