Libye: les rebelles au poste-frontière avec la Tunisie, appels contre les vengeances

© AFP Des rebelles crient victoire sur une route côtière à Tripoli, le 26 août 2011
© AFP Filippo Monteforte

TRIPOLI (AFP) - (AFP) - Les rebelles ont pris vendredi le contrôle du principal poste-frontière avec la Tunisie, nouveau succès majeur contre le régime moribond de Mouammar Kadhafi, mais les appels se multiplient contre les actes de vengeance, notamment à Tripoli où les accrochages se poursuivent.

Après plus de six mois de combats acharnés, les deux camps dans le conflit étaient accusés d'exactions telles qu'exécutions sommaires, tortures ou tabassages.

Les rebelles ont annoncé jeudi l'installation de leur gouvernement à Tripoli, même si Mouammar Kadhafi reste introuvable et que des poches de résistance rendent la sécurité encore incertaine dans la capitale.

Un convoi de six Mercedes blindées, qui pourrait transporter de hauts responsables libyens, voire Mouammar Kadhafi lui-même, est passé vendredi de Libye en Algérie par la ville-frontière de Ghadamès, a affirmé l'agence officielle égyptienne Mena, citant une source militaire libyenne rebelle dans cette ville.

© AFP Le président sud-africain Jacob Zuma (G) et le commissaire de l'UA à la Paix et à la Sécurité Ramtane Lamamra, le 26 août 2011 à Addis Abeba
© AFP Simon Maina

"On pense qu'elles (les voitures) transportent de hauts responsables libyens, possiblement Kadhafi et ses fils", a déclaré cette source.

A l'ouest de Tripoli, où des combats se déroulaient pour la maîtrise de la route reliant Tripoli à la Tunisie, les rebelles ont hissé leur drapeau au poste-frontière de Ras Jdir. "Il n'y a pas eu de véritable clash, les loyalistes ont pris la poudre d'escampette", a déclaré une source gouvernementale tunisienne.

Au plan diplomatique, le Conseil national de transition (CNT), l'organe politique de la rébellion, a reçu de nouveaux soutiens. Mais l'Union africaine a refusé de reconnaître sa légitimité, tandis que l'Algérie voisine a fait part de sa "stricte neutralité".

"Il y a encore des combats (...). Donc nous ne pouvons pas dire que (le CNT) est la force qui est légitime maintenant", a déclaré le président sud-africain Jacob Zuma, s'exprimant au nom de l'UA.

© AFP Un rebelle pose dans la maison d'Aïcha Kadhafi, la fille de Mouammar Kadhafi, le 26 août 2011 à Tripoli
© AFP Marie-Lys Lubrano

L'UA a appelé à un "gouvernement de transition incluant toutes les parties".

Dans la capitale, la violence avait décru vendredi, après les combats, parfois intenses, depuis mardi. Quelques coups de feu ont résonné au loin, parfois une explosion. Mais rien de comparable aux jours précédents.

Selon Abdel Nagib Mlegta, responsable des opérations militaires de la rébellion à Tripoli, l'insurrection contrôle "95%" de la capitale, où il ne reste que "quelques poches de résistance", autour de l'aéroport ainsi que dans les quartiers de Salaheddine et d'Abou Salim.

Amnesty International a appelé à l'arrêt des tortures et mauvais traitements, pratiqués, selon les témoignages, tant du côté des rebelles que des loyalistes.

L'organisation a aussi fait état d'exécutions sommaires de "nombreux prisonniers" mardi et mercredi dans deux camps près de Tripoli utilisés par la brigade dirigée par l'un des fils du colonel Kadhafi, Khamis.

Selon M. Mlegta, des gardes ont tué à la grenade plus de 150 prisonniers avant de s'enfuir de Bab al-Aziziya, le QG de Mouammar Kadhafi, lors de sa prise mardi par les rebelles.

© AFP Carte des combats en Libye le 26 août 2011 à 16h00 GMT
© AFP

Parallèlement, 17 patients ont été évacués d'un hôpital de Tripoli, où au moins 80 personnes sont décédées apparemment faute de soins parce que des pro-Kadhafi avaient pris l'établissement et tenu le personnel soignant à distance pendant six jours.

Dans le quartier d'Abou Salim, des cadavres de combattants pro-Kadhafi pourrissaient au soleil, dont plusieurs ligotés, tués par balle dans le dos. Des exécutions sommaires, ont confirmé plusieurs rebelles.

Des journalistes de l'AFP ont assisté à des tabassages d'une violence extrême de partisans présumés du régime, qui n'ont dû leur survie, peut-être temporaire, qu'à la présence des médias.

"Il ne doit pas y avoir de représailles", a exigé vendredi soir la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, après une rencontre avec le groupe du Caire réunissant les Nations unies, l'UA, la Ligue arabe et l'UE.

Lors des premières prières du vendredi sans Kadhafi à Tripoli, les fidèles ont écouté les prêches des imams appelant au calme et à la clémence.

"La révolution libyenne est un miracle (...). Dieu a brisé nos chaînes", a lancé Cheikh Wanis Mabrouk, un imam célèbre parmi les rebelles de l'Est pour ses diatribes contre le régime, lors de son premier prêche dans la capitale.

L'imam a lancé un appel contre les tentations de vengeance, de pillage, de désobéissance, de luttes intestines ou de "gloriole".

"Cette révolution a été celle de la liberté et de l'islam, alors il ne doit pas y avoir de revanche", a-t-il insisté devant un millier de fidèles.

Pour le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, la victoire des rebelles ne sera acquise que "lorsque toute menace de violence contre les populations civiles aura été écartée et lorsque Kadhafi aura été neutralisé".

"L'Otan ne doit pas baisser la garde", a-t-il ajouté dans une interview au quotidien Le Parisien samedi.

Sur le front Est, les pro-Kadhafi, qui avaient reculé de plus d'une centaine de km il y a quelques jours, résistent encore à Ben Jawad, à 140 km à l'est de Syrte, bombardant les rebelles lancés sur leurs talons mais bloqués à Ras Lanouf, une vingtaine de kilomètres plus à l'est.

Les forces britanniques ont bombardé avant l'aube "un important bunker-quartier général" à Syrte, 360 km à l'est de Tripoli, terre natale de Kadhafi. Les rebelles soupçonnent qu'il puisse s'y cacher.

L'Otan a aussi annoncé avoir détruit 29 véhicules militaires près de Syrte. La ville "a toujours été un bastion du régime, et maintenant, ce qu'il reste de ce régime l'utilise pour lancer des attaques", a dit un responsable de l'Alliance atlantique.

Selon lui, les derniers pro-Kadhafi sont "prêts à tout".

 

AFP


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