Mohamed Diané est ministre directeur de cabinet du président guinéen, Alpha Condé. Il évoque la situation économique difficile de son pays. Et répond à l’opposition, qui accuse l’exécutif de vouloir phagocyter l’administration avant les élections législatives.
Jeuneafrique.com : Pouvez-vous nous dire quelle est la situation économique de la Guinée, trois mois après l’investiture d’Alpha Condé ?
Mohamed Diané : La situation économique de la Guinée est difficile. Nous sommes arrivés au pouvoir au moment où tous les indicateurs étaient au rouge. Et sur tous les plans, le pays était dans une crise totale. Aujourd’hui, même les besoins primaires, l’eau, l’électricité, l’alimentation, ne sont pas pris en charge correctement. L’inflation galopante n’arrange rien. Mais depuis l’arrivée du professeur Alpha Condé au pouvoir, le gouvernement est en train de prendre des dispositions pour corriger la situation.
À propos de l’inflation et de la hausse des prix, l’opposition vous accuse de mener une "politique du bouc émissaire" en rejetant la faute sur les grands commerçants ou les gouvernements passés…
On ne peut pas mettre l’héritage de côté. Nous n’avons rien trouvé dans les caisses de l'État. Par le passé, la corruption était devenue institutionnelle dans notre pays, ce qui rend la situation d’aujourd’hui extrêmement difficile. Comment répondre aux attentes des populations alors que nous n’avons pas encore renoué de relations avec la communauté financière internationale ? La démocratie, ça ne se mange pas ! Pour la première fois dans son histoire, la Guinée a organisé des élections multipartites transparentes et il y a un président légitimement élu. Mais il faut des actions concrètes. Le peuple a besoin de vivre, de s’alimenter, de se soigner. Nous nous tournons donc vers nos interlocuteurs financiers : il faut dans l’urgence des mesures d’accompagnement et de soutien à nos efforts.
Le dialogue avec les institutions de Bretton Woods avance-t-il ?
Oui, le dialogue avance bien. Nous sommes en train de mettre au point des réformes structurelles, de revoir les cadres organiques de tous les départements ministériels. La question de l’armée est importante, et la situation précaire. Mais le président a réussi à entraîner les militaires dans un certain nombre de progrès. Avant notre arrivée, il y avait des chars partout. Le président de la République a réussi à faire transporter toutes les armes lourdes hors de la capitale et à encaserner les militaires. La normalité, c’est aussi un chef de l'État qui quitte sa résidence quotidiennement pour venir travailler et rentre à la maison le soir. Par le passé, pour avoir un contact avec les autorités, il fallait faire le pied de grue toute la nuit dans un camp militaire.
L’opposition vous accuse aussi de vouloir reporter indéfiniment les élections législatives…
Notre formation politique est le premier parti d’opposition dans ce pays. Nous nous sommes battus pour la démocratie et en avons payé le prix. Nous n’allons pas la remettre en cause. Mais il faut un minimum de conditions pour que les législatives se tiennent. Si nous voulons aller à des élections transparentes, il faut d’abord nettoyer la liste pour la rendre fiable, pour permettre à tous les Guinéens qui ont l’âge de voter de le faire. Le gouvernement va présenter un chronogramme de ces actions pour démontrer à tous que nous avons une volonté d’organiser des élections législatives transparentes.
Selon l’opposition, vous profitez du temps qui passe pour renforcer votre emprise sur l’administration afin d’être en position de force pour les législatives…
Il y a un organe indépendant qui organise les élections, c’est la Commission électorale nationale indépendante [Ceni], ce n’est pas l’administration. Au moment où on allait à la présidentielle,
la plupart des préfets, sous-préfets étaient opposés à notre parti, mais malgré tout, nous avons gagné.
___
Propos recueillis par Théophile Kouamouo, à Conakry
JA
Écrire commentaire