Mahamadou Issoufou a été élu par ses pairs à la tête de la Cédéao en fin juin 2019, succédant ainsi au Nigérian Muhammadu Buhari. Le Niger qui a souvent été classé parmi les pays les plus pauvres du monde, pilote actuellement la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest, vient d’accueillir le sommet de l’UA, également, deviendra membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies en début 2020.
Le président Issoufou entend bien profiter de ces
responsabilités pour pousser la question de la sécurité régionale et aussi soigner l’image du Niger pour donner l’exemple de la démocratie en Afrique .
” Ma décision de respecter la constitution et de ne pas me représenter est irrévocable “, assure le président nigérien , dans un entretien accordé à Jeune Afrique. À deux ans du scrutin
présidentiel, tout est clair, contrairement à Alassane Ouattara et Alpha Condé qui cherchent à faire des jonglages pour passer un troisième mandat.
Mahamadou Issoufou voudrait que tout se passe dans les règles jusqu’à son retrait du pouvoir, en avril 2021, et qu’il ne restera pas en fonction une heure de plus que ce que lui autorise la Constitution, à savoir deux mandats de cinq ans. Une position totalement atypique sur le continent où on modifie les constitutions pour se maintenir au pouvoir.
Pour avoir appelé le président Mahamadou Issoufou à briguer un troisième mandat à la tête du Niger, Issoufou Brah et Salissou Ibrahim ont été inculpés, placés sous mandat de dépôt et ont été jugés en mai 2018 par le tribunal de grande instance de Zinder.
En faisant ces motions de soutien, les deux figures de la société civile croyaient bénéficier des cadeaux et des décorations de la part du chef d’État nigérien qu’ils veulent voir rester au pouvoir comme ses pairs d’Afrique francophone ad vitam aeternam. Le président de l’Union des jeunes nigériens pour le développement avait d’aileurs déclaré aux enquêteurs : ” Nous sommes des jeunes citoyens qui ont apprécié pendant huit ans les actions de développement du président Issoufou Mahamadou “.
Récompense, ils ont passé quatre jours de garde à
vue, inculpés, puis jugés pour ce flagrant délit qui, selon le procureur du tribunal de grande instance de Zinder, qui constitue ” un complot pour détruire ou changer le régime
constitutionnel”.
Plusieurs fois, le président Mahamadou Issoufou a renvoyé sa horde de supporters dehors en leur disant qu’il ne voulait pas s’accrocher au pouvoir, vaille que vaille, et
tenait à organiser des élections libres et transparentes, pour passer le témoin en 2021.
Par contre au Togo, après avoir assassiné les civils en 2005 pour s’accrocher au fauteuil présidentiel , Faure Gnassingbe a fait arrêter les responsables de la société civile comme Joseph Eza, Messenth Kokodoko et Johnson Assigba pour avoir commis le délit de s’opposer aux mandats non stop . Non seulement Faure Gnassingbe Eyadema a braqué la constitution en 2002 pour s’offrir un troisième mandat contre l’aspiration populaire en piétinant la constitution originelle de 1992, mais les responsables du parti au pouvoir RPT-UNIR continuent à militer pour d’autres mandats. Le régime multiplie les arrestations, tortures, tueries de jeunes et enfants.
En Afrique centrale, c’est le rituel: faire des marches et rédiger les motions de soutien aux chefs d’États pour se représenter, torpiller la constitution, voler les fausses élections. Paul Biya a assassiné des centaines de Camerounais qui ont tenté de s’opposer à la modification de la constitution en 2008. Même chose au Tchad où Idriss Déby a modifié la constitution. Au Congo de l’homme caméléon multicolore Sassou Nguesso, on ne vit que des manifestations pour le soutien au sanguinaire. Au Gabon, Ali Bongo, dansant de tremblote sur une canne, continue à assurer l’héritage d’Omar Bongo.
En réalité, si les dictateurs africains ont le culot de rester au pouvoir et modifier les constitutions, c’est parce qu’ils bénéficient certes du soutien de l’armée, mais surtout du soutien de certains jeunes corrompus qui gagnent des miettes pour organiser des marches en leur faveur, au lieu de demander le bilan au président sortant.
“Les Nigériens le diront, sur la base de mes promesses et de leur réalisation. J’ai eu à établir huit priorités pour le pays : la renaissance culturelle, la sécurité, la consolidation des institutions démocratiques et républicaines, les infrastructures, l’autosuffisance alimentaire, le capital humain – santé et éducation –, l’accès à l’eau et la création d’emplois.” Ainsi parle Mahamadou Issoufou qui présente son bilan positif, mais qui ne veut pas pour autant briguer un troisième mandat.
J. RÉMY NGONO
CoupFrancs
Le 20 août 2019