WASHINGTON/NATIONS UNIES - Les Etats-Unis ont décidé de quitter le Conseil des droits de l'homme de l'Onu, a annoncé mardi l'ambassadrice américaine aux Nations unies Nikki Haley faisant valoir que cette institution avait une position partisane défavorable à Israël.

Aux côtés du chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans les locaux du département d'Etat, l'ambassadrice a accusé la Russie, la Chine, Cuba et l'Egypte de s'être opposés à la volonté des Etats-Unis de réformer le Conseil.

Elle a aussi critiqué les pays qui partagent les valeurs américaines et encouragent Washington à rester mais qui ne sont "pas disposés à remettre sérieusement en cause le statu quo".

Les Etats-Unis en sont à peu près à la moitié de leur mandat de trois années dans cette organisation de 47 membres basée à Genève dont l'administration Trump menaçait depuis longtemps de s'affranchir si elle n'était pas réformée.

Le retrait de Washington du Conseil des droits de l'homme constitue un nouvelle illustration de la politique du président républicain Donald Trump de désengagement du multilatéralisme après son retrait de l'accord de Paris sur le climat et de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien négociés sous l'administration de son prédécesseur démocrate Barack Obama.

Ce retrait intervient aussi au moment où l'administration Trump est la cible de vives critiques pour sa politique de séparation des enfants migrants de leurs parents entrés illégalement aux Etats-Unis à la frontière avec le Mexique.

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad al Hussein, a appelé lundi Washington à mettre un terme à cette politique "déraisonnable".

"Regardez les membres du Conseil et vous voyez un effroyable manque de respect pour les droits les plus fondamentaux", a déclaré Nikki Haley. Et de citer le Venezuela, la Chine, Cuba et la République démocratique du Congo.

HOSTILITÉ

Elle n'a pas mentionné l'Arabie saoudite dont la suspension avait été réclamée en 2016 par des groupes de défense des droits de l'homme qui accusaient Ryad d'avoir tué des civils dans le cadre de la guerre au Yémen.

Parmi les réformes qu'ils préconisaient, les États-Unis souhaitaient notamment faciliter l'éviction des États ne respectant pas les droits de l'homme de façon flagrante. Un tel renvoi nécessite actuellement un vote à la majorité des deux tiers des 193 membres de l'Assemblée générale des Nations unies.

Autre grief présenté par Nikki Haley : cette arène "se focalise de manière excessive et entretient une hostilité sans fin à l'égard d'Israël". C'est, selon elle, "la preuve évidente que le Conseil est animé par des intentions politiques et non par les droits de l'homme".

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a salué la décision des Etats-Unis.

En mettant en avant ce qu'elle dit être un préjugé contre Israël, l'administration Trump pourrait renforcer les arguments des Palestiniens selon lesquels Washington, qui se prépare à présenter un plan de paix au Proche-Orient, ne peut pas être considéré comme un médiateur neutre.

"Compte tenu de l'état des droits de l'homme dans le monde d'aujourd'hui, les Etats-Unis devraient intensifier leurs efforts et non reculer", a déclaré Zeid Ra'ad al Hussein.

Douze organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme avaient écrit à Mike Pompeo pour le mettre en garde contre ce retrait, affirmant que cela "rendrait plus difficile la promotion des droits de l'homme et l'aide aux victimes d'abus dans le monde". "L'absence des Etats-Unis ne fera qu'accentuer les faiblesses du conseil", écrivaient-elles.

 

SILENCE

L'Union européenne a déclaré que la décision de Washington "risquait de saper le rôle des Etats-Unis en tant que champion de la démocratie". Le secrétaire britannique au Foreign Office, Boris Johnson, a évoqué une décision "regrettable".

"Le Conseil des droits de l'homme permet des abus en exonérant les malfaiteurs par le silence et en condamnant faussement ceux qui n'ont commis aucune infraction", a rétorqué Mike Pompeo.

Le Conseil des droits de l'homme se réunit trois fois par an pour examiner les violations des droits de l'homme dans le monde. Il dispose d'enquêteurs indépendants pour examiner des situations telles que la Syrie, la Corée du Nord, la Birmanie ou le Soudan du Sud. Ses résolutions ne sont pas juridiquement contraignantes mais portent une autorité morale.

Lorsque le Conseil a été créé en 2006, l'administration du président républicain George W. Bush n'en avait pas voulu.

Sous le président Barack Obama, les États-Unis ont été élus pour un maximum de deux mandats consécutifs au conseil par l'Assemblée générale des Nations unies. Après une année d'absence, les Etats-Unis ont été réélus en 2016 pour son troisième mandat qui est en cours.

Le Conseil des droits de l'homme a un point permanent à l'ordre du jour sur les soupçons de violations des droits de l'homme commises par Israël dans les territoires palestiniens, que Washington voulait supprimer.

Le Conseil a voté le mois dernier pour enquêter sur les violences à Gaza et a accusé Israël de faire un usage excessif de la force. Les États-Unis et l'Australie ont été les seuls à voter contre.

(Avec Steve Holland à Washington, Stephanie Nebehay à Genève et Ori Lewis à Jérusalem; Pierre Sérisier et Danielle Rouquié pour le service français)

Par Lesley Wroughton et Steve Holland - Reuters
Le 20 juin 2018

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