Le reportage télévisé consacré à Vincent Bolloré diffusé il y a deux ans dans Complément
d'enquête sur France 2 est-il diffamatoire? La justice tranche ce mardi. Depuis quelques mois l'empire industriel construit par le milliardaire breton encaisse une série de déboires économiques,
ou judiciaires.
Ces multiples avanies suscitent beaucoup de
questions sur la stratégie de ce fleuron du CAC 40. Le dernier épisode en date concerne les Autolib. Ces voitures électriques fournies par Bolloré en libre circulation dans les rues de Paris se
révèlent un gouffre financier (la dette frôlera les 300 millions d'euros d'ici la fin du contrat en 2023). Le groupe Bolloré refuse de l'assumer seul. Vincent Bolloré -selon un observateur
préférant garder l'anonymat- considère un service de transport public quand il perd de l'argent et privé quand il en gagne. Il s'est d'ailleurs bien protégé dans la rédaction du contrat pour
limiter sa responsabilité financière. D'où la guerre ouverte avec la mairie de Paris. Malgré sa dramatisation publique, ce dossier est le plus facile à solder. Les deux parties ont tout à y
gagner. Dénoncer le contrat, comme Anne Hidalgo en fait planer la menace, fera peser les pénalités sur le contribuable. Vincent Bolloré de son côté a besoin de ce contrat, c'est la vitrine
mondiale de ces Bluecars, des voitures électriques aux batteries au lithium solide, une technologie que le Breton est à peu près le seul au monde à promouvoir.
En revanche les ennuis de Canal Plus sont plus compliqués à régler.
La chaîne vient de perdre pour deux ans les droits du foot de la Ligue 1. Cet accident industriel pourrait lui coûter 2 millions d'abonnés. Alors que l'érosion de son audience l'a déjà contrainte
à diviser le prix de l'abonnement par deux pour retenir les clients. La fin des Guignols annoncée il y a quelques jours est venue confirmer l'acte de décès de «l'esprit canal», l'ADN de cette
chaîne payante que Vincent Bolloré a progressivement vider de sa substance en imposant sa férule.
Il y a urgence à réinventer le modèle parce que la concurrence est féroce, y compris sur le cinéma. Netflix impose ses cadences sur la fiction. Orange Cinema Series, le bouquet proposé par
l'opérateur téléphonique historique pourrait se rapprocher d'Altice et ainsi couler la chaîne qui devait être le navire amiral de la diversification média du groupe Bolloré.
Bolloré vient aussi d'essuyer un cuisant échec en Italie
Un fonds d'investissement associé à l'Etat italien l'a empêché de prendre le contrôle du conseil d'administration de Telecom Italia. Alors qu'il comptait justement sur cette prise de pouvoir pour faire pression sur Orange, pour le contraindre à s'allier avec lui plutôt qu'avec SFR. Sa stratégie média a complètement échoué. Le groupe « subit aussi les aléas de son schéma préféré d'investissement » selon Gabriel Gimenez de Neoma Business School. Celui d'un raider des années 80. Depuis ses débuts, Vincent Bolloré prend des participations minoritaires dans des sociétés sous évaluées avec un actionnariat dilué, c'était le cas chez Telecom Italia, cela lui permet d'en prendre le contrôle d'une entreprise à peu de frais. Avec un avantage certain quand il y a un retournement de l'activité : peu exposé, le groupe limite ses pertes. L'action Vivendi a chuté récemment mais la tendance demeure haussière. Cette structure en holding est la carte maîtresse du groupe Bolloré, qui a par ailleurs des activités solides fait remarquer Gabriel Gimenez. C'est un leader mondial du film plastique, et ses activités logistiques, notamment en Afrique, marchent du feu de dieu.
Malgré les poursuites pour corruption dans l'attribution et la gestion des ports africains ?C'est le dossier le plus sensible, celui qui peut obérer l'avenir du groupe ; « on ne sait pas jusqu'où cela peut déraper » dit un observateur. Vincent Bolloré l'a reconnu à demi-mot la semaine dernière devant les actionnaires réunis en assemblée générale. Les Cassandre rappellent à notre bon souvenir le sort de la compagnie Elf, un pilier du CAC 40 miné par une affaire de corruption, déjà en Afrique. Ou encore les ennuis récents du cimentier Lafarge en Syrie. Dans l'immédiat c'est surtout une tache sur le visage du grand patron du groupe, du plus mauvais effet pour développer ses affaires à l'international.
►En bref,
Aux Etats-Unis le dirigeant de Starbucks annonce sa démission.
Howard Schultz qui a formaté et popularisé la consommation du café aux
Etats-Unis, puis dans le monde entier, à travers son réseau de 28 000 cafeterias, pense de plus en plus à la politique. Il va d'abord écrire un livre, un préalable avant de se présenter
éventuellement à l'investiture des démocrates dont il a toujours été très proche.
Par Dominique
Baillard
Le 6 juin 2018
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