Mémorandum des étudiants guinéens du Maroc à l’attention du gouvernement de la Rép. de Guinée

Cette année, au plus grand bonheur du système éducatif national, on a vu pour la
première fois depuis plusieurs années les cameras de la télévision nationale(RTG)
prendre la peine de braquer leurs projecteurs sur les meilleurs élèves des examens du
baccalauréat unique. Ces jeunes ont pu ainsi baigner dans la joie inespérée de non
seulement se voir a la télévision, mais aussi d’être récompenses pour le travail et le
sérieux dont ils ont fait montre durant leur parcours du lycée. Chose qui est hautement
encourageante pour l’école guinéenne. Car pour une fois l’effort intellectuel est
récompense a sa juste valeur.
Mais sait-on vraiment comment vivent les boursiers guinéens a l’étranger ? Ces
lauréats de la République qui ont tous été envoyés au Maroc bénéficient-ils d¡¦un
dispositif d’accompagnement dans leur formation a l’étranger ?
La réponse a ces questions est malheureusement non ! Comme leurs prédécesseurs, ils
sont venus allonger la liste des miséreux étudiants guinéens du Maroc.
Dans ce document, nous les étudiants guinéens du Maroc, victimes depuis des années
d’un abandon indicible de la part de l’tat et de pouvoirs publics, avons pris
l’initiative de porter a votre connaissance Mesdames et Messieurs les membres du
Gouvernement et a celle de l’opinion publique nationale d’énormes problèmes(I)
que nous traversons depuis plusieurs années. Et dont nous espérons que la résolution
viendra de votre initiative.
Nous allons également y évoquer les causes(II) de ces problèmes et leurs solutions
(III).
I- Problèmes des étudiants guinéens au Maroc :
Au Maroc, la communauté estudiantine guinéenne fait partie des plus brillantes ; dans
l’année universitaire 2010-2011 par exemple, elle a eu plus d’une dizaine de lauréats
(majors de promotion) d’universités et de grandes écoles marocaines. Cette
performance s’explique par l’intelligence naturelle du Guinéen et par son courage et
sa ténacité à résister contre le dénuement.
Mais malheureusement, le courage aussi a ses limites. Ainsi, si certains étudiants
guinéens continuent de lutter tant bien que mal contre les privations de moyens,
nombreux sont ceux qui jettent l’éponge face a cette tragédie de dénuement. En effet,
faute d’un minimum de soutien financier, certains étudiants guinéens, des lauréats de
la République, des jeunes hyper intelligents (qui pourraient devenir des grands
ingénieurs par exemple au bénéfice du pays), abandonnent les études pour se livrer à
des activités informelles dans le pays d’accueil.
Ceux qui s’accrochent à leurs études vivent une véritable descente aux enfers. Ils sont
confrontés à un océan de problèmes dont les plus aigus sont :
„« La disette alimentaire:
Contrairement à ce dont ils bénéficiaient à côté de leurs parents en Guinée, la plupart
des étudiants guinéens au Maroc ne mangent pas a leur faim ; les plus chanceux ne se
nourrissent que de deux petits morceaux de pains par jour accompagnes de quelques
grains d’haricots (appelés loubya : une alimentation de démunis marocains). La
conséquence directe de cette triste réalité c’est la carence de vitamine chez les
étudiants guinéens. Donc la fragilité sanitaire qui a pour corolaire la fréquence des
maladies au sein de la communauté estudiantine guinéenne l’étranger. Pour s¡ en
convaincre, il suffit de voir le nombre de demandes de remboursement de frais
médicaux introduites chaque année auprès du service financier de l’ambassade de
Guinée au Maroc.
„« Le problème de loyer :
Contrairement a toutes les communautés estudiantines étrangères au Maroc, les
étudiants guinéens ont de sérieux problèmes avec leurs bailleurs : ils sont souvent
sommes de quitter leur maison pour n¡¦avoir pas paye le loyer mensuel. Ce qui a
produit une sinistre réputation contre la communauté guinéenne aux yeux des bailleurs
marocains qui se sont dit: on ne donne plus notre maison aux étudiants guinéens
puisqu’ils ne paient pas le loyer à temps.. A titre d’exemple, cette année nous avons
reçu jusqu’à 100 nouveaux étudiants guinéens. Mais jusqu’à présent on trime avec
certains d’entre eux pour leur trouver de logement chez les bailleurs.
„« Le manque de frais de transport pour se rendre a l’université :
Si le Maroc est un pays qui offre tous les types de moyens de transport (bus, taxi,
train, tramway.), cette offre semble ne pas être faite pour les étudiants guinéens. En
effet, la majorité des étudiants guinéens au Maroc, contrairement a leurs confrères
sénégalais, mauritaniens ou maliens, sont toujours obliges de faire à pied la
distance (parfois très longue car atteignant 2 a 3 km)qui sépare leur habitation et leur
université.
A côté de ces trois problèmes, il convient de souligner deux autres maux qui ne portent
pas préjudice aux étudiants guinéens seulement, mais a toute la nation guinéenne. Il
s’agit de :
„« La mendicité de certains étudiants guinéens devant les mosquées :
C’est certes incroyable, mais c’est vrai : la maigreur des moyens dont ils vivotent a
jeté certains étudiants bousiers guinéens dans la mendicité devant les mosquées.
En fait il s’agit d’une forme de mendicité très particulière. Ceux qui connaissent le
Maroc le savent : dans les mosquées au Maroc, chaque vendredi on offre du couscous
avec de la viande aux mendiants venus très nombreux se délecter de ce repas qu’ils ne
peuvent se faire a la maison. Se trouvant presque dans la même situation que ces
démunis, certains bousiers guinéens ont fini par être tentes par cette aventure : après
chaque prière de vendredi, se joindre aux mendiants pour se délecter du couscous
aux mendiants... C’est vraiment honteux pour ceux qui représentent ce que notre
système éducatif produit de meilleur!
„« La contrainte pour certaines boursières guinéennes de vivre en
concubinage afin de joindre les deux bouts:
Certaines filles boursières de la Guinée au Maroc vivent non seulement la même
traversée de désert que leurs compatriotes boursiers, mais sont parfois obligées de
payer de leur corps et de leur dignité cet abandon dont elles sont victimes en adoptant
des comportements qui frôlent l’indignation et contraires aux valeurs qui sont les nôtres :
une femme ne doit pas vendre son corps même au prix de tout l’or du monde. Mais
vous parents, amis et connaissances, faute de moins oblige, cet enseignement n’a
presque plus d’influence chez beaucoup de vos filles au Maroc!
En clair pourquoi ces filles se livrent- elles a un tel comportement, c’est-a -dire vivre
en concubinage sous le même toit que leur concubin ?
Tout d’abord, il convient de souligner que comme leurs compatriotes boursiers, les
boursières guinéennes au Maroc sont très courageuses et travailleuses, du moins pour
beaucoup d’entre elles. Elles aiment au même titre que quiconque leurs études. Mais
étant plus fragiles que les hommes et aussi plus soumises a la pression de la tentation,
elles succombent parfois devant les privations de moyens. Les plus courageuses parmi
elles se contentent de trouver des petits boulots extrêmement difficiles pour une fille
(comme le travail dans les centres d’appel). Histoire de joindre les deux bouts.
Mais d’autres, celles qui ne trouvent pas ce genre de travail ou celles a qui les études
sont extrêmement importantes et ne doivent pas en conséquence être abandonnées ou
négligées(la pratique du genre de boulot susmentionné ne permet pas de suivre
sérieusement sa formation), optent pour une autre solution facile en soi mais
viscéralement préjudiciable a l’image de la Guinée : vivre en concubinage sous le
même toit qu’un homme qui se chargera de pourvoir a leurs besoins quotidiens en
contrepartie de ce que l’on peut tous tirer comme conclusion. Car un homme et une
fille dormir dans la même chambre, de surcroit dans le même lit, on peut aisément
imaginer la suite !
La situation est devenue d’autant plus grave que la plupart de ces filles vivent avec des
hommes d’autres nationalités qui prennent en dérision les guinéens en disant : vos
filles sont des matérialistes ; elles pratiquent le plus vieux métier du monde...
La conséquence naturelle de cette situation, malheureusement scandaleuse et éhontée
pour notre nation, est la mauvaise réputation devant plus d’une cinquantaine de
communautés étrangères.
II- Les causes
Les causes qui sont a l’origine de tous ces problèmes des étudiants guinéens au Maroc
peuvent être classées en deux catégories : des causes d’ordre administratif et des
causes d’ordre financier.
„« Les causes d’ordre administratif :
Ces causes résident dans l’abandon dont les étudiants guinéens sont victimes au
Maroc. Contrairement aux étudiants d’autres pays, les étudiants guinéens ne
bénéficient d’aucun dispositif d’accompagnement de la part des autorités de leur pays ;
ils sont abandonnes à eux-mêmes. A titre d’exemple, ils ne reçoivent jamais une visite
des autorités de l’enseignement supérieur guinéen pour échanger avec eux sur les
besoins du pays en matière de formation. Histoire de les éclairer dans le choix de leur
option ou spécialité. Quand vous prenez d’autres communautés estudiantines comme
les ghanéens, elles font l’objet d’une attention particulière de la part de leurs autorités :
on pourvoit aux besoins de leur formation et les accompagne a travers des rencontres
périodiques d’orientation et d’encouragement. Chose dont nous étudiants guinéens
avons toujours été orphelins !
„« Les causes d’ordre financier :
Ces causes sont les suivantes :
„h Le paiement non régulier des compléments de bourse :
censés être payes tous les mois, les compléments de bourse de 50 dollars dus aux
étudiants guinéens ne sont payes qu’une fois tous les une année et demi si ce n’est une
fois tous les deux ans(le cas des omis : les étudiants dont le nom ne figure pas dans les
états de paie doivent presque toujours attendre le prochain paiement pour être rétablis
dans leur droit si ce n’est pour jamais !).
„h La faiblesse du montant des compléments de bourse :
Depuis que les étudiants guinéens ont commence à être envoyés au Maroc en tant que
boursiers, c’est-a-dire depuis plusieurs décennies, le montant de leurs compléments de
bourse n’a jamais subi d’augmentation ; il est toujours reste 50 dollars. Ceci malgré
l’augmentation permanente du cout de la vie. C’est regrettable !
„h Le non paiement par l’Etat des billets d’avions pour les vacances :
Contrairement a toutes les communautés étrangères au Maroc (plus d’une trentaine de
pays), seuls les étudiants guinéens peuvent passer tout leur cycle de formation (qui est
généralement de 5 ans) sans rentrer ne serait-ce qu’une seule fois en Guinée pour les
vacances ou pour un stage. En cause : l’Etat ne leur accorde plus des billets de
vacances depuis l’an 2000.
La conséquence de cette situation est que l’étudiant guinéen est non seulement
déconnecte des réalités de son pays, mais aussi il est perçu comme abandonne par les
autres nationalités.
Comme nous l’avons susmentionné, la conjugaison de ces différentes causes a entraine
d’énormes problèmes pour les étudiants guinéens. Des problèmes qui entament
énormément la qualité de leur formation. Ce qui constitue une veritable perte pour la
Guinée, car ne perdons pas de vue que les étudiants guinéens au Maroc représentent la
fine fleur de l’école guinéenne, la crème du système éducatif national (la classe
estudiantine guinéenne au Maroc est constituée des lauréats de la République des
examens de baccalauréat de chaque année). Mais si certains croient qu’on peut sous-estimer
l’importance de cette hémorragie des compétences que notre pays est entrain
de subir, il ya une autre qui ne peut pas laisser indifférent : c’est l’hémorragie de la
réputation de notre pays.
Aujourd’hui, en effet, l’image de la Guinée, malheureusement, n’est pas en odeur de
sainteté auprès de beaucoup de communauté étrangère vivant au Maroc. D’ailleurs elle
est mal appréciée car le réquisitoire dont fait l’objet la communauté guinéenne est
scandaleux : Vous êtes vraiment abandonnes, vous, les guinéens. Que fait votre
pays ? Vous crevez toujours la dalle pourquoi ? ; . Les filles guinéennes sont faciles
; elles aiment trop se donner a cause de l’argent... Tels sont les propos de certaines
communautés à l’endroit des étudiants guinéens.
Donc l’étudiant guinéen est non seulement victime du dénuement le plus absolu, mais
aussi de la mauvaise réputation a cause de l’attitude de son gouvernement envers lui.
D’où la nécessite d’agir pour corriger cette situation.
Pour atteindre cet objectif, les étudiants guinéens au Maroc proposent les solutions
suivantes :
III- Les solutions a mettre en œuvre :
„« La régularisation du paiement des compléments de bourse :
Pour atténuer les problèmes susmentionnés, la première solution à mettre en œuvre est
de fixer un délai raisonnable pour le paiement des compléments de bourse. Si on ne
peut pas le faire chaque mois, il faut savoir qu’une année et demie est trop car les
étudiants pour joindre les deux bouts ne comptent que sur ce pécule. Alors, il faut faire
le paiement de façon trimestrielle : chaque(3) trois mois que l’étudiant perçoive ses
compléments de bourse.
„« La revalorisation du montant des compléments de bourse :
Si dans les années 1980 l¡¦on pouvait nourrir toute une famille avec 50 dollar, il
convient de souligner que de nos jours ce n’est plus le cas. Car partout dans le monde
le cout de la vie a considérablement augmente. Donc il est absolument nécessaire de
revaloriser le montant des compléments de bourse si l’on veut tirer l’étudiant guinéen
de la précarité.
„« Le rétablissement du paiement des billets d’avion pour les vacances :
Pour enlever à l’étudiant guinéen l’étiquette d’abandon dont il est affuble par
ses confrères d’autres pays, il faut lui octroyer un billet d’avions pour passer ses
vacances en Guinée, a cote de ses parents.
Il faut noter que ces billets d’avion peuvent également être un instrument d’émulation
entre les étudiants. En effet, s’il est vrai qu’il coûte trop cher de payer des billets
d’avions chaque année pour tous les étudiants vu leur nombre, on peut proposer un
certain nombre de billets dont l¡¦obtention sera soumise à la concurrence : on fixe un
barème, seuls les étudiants dont les moyennes annuelles atteignent ledit barème
pourraient bénéficier des billets pour les vacances. Ce qui poussera les étudiants à
s’investir davantage dans la formation (chose qui ne sera que bénéfique pour notre
pays).
Si cette formule ne marche pas, on peut utiliser cette dernière : au lieu de fournir aux
étudiants les billets pour les vacances chaque année, on peut le faire une fois tous les
deux ans.
„« La création d’une rencontre annuelle qui réunira les étudiants guinéens au
Maroc et les représentants de l’enseignement supérieur guinéen et de la
recherche scientifique :
Etant donne l’importance du nombre des étudiants guinéens au Maroc ( c¡¦est le pays
qui accueille le plus grand nombre de boursiers de l’Etat guinéen a l’étranger) et
l’importance que ces derniers représentent dans le système éducatif national ( les
étudiants guinéens au Maroc constituent les fers de lance de l’école guinéenne car ce
sont les meilleurs des examens nationaux : les 45 lauréats au baccalauréat de chaque
année sont envoyés au Maroc), nous estimons nécessaire d’établir une plateforme
d’échange entre les autorités de l’enseignement supérieur guinéen et ces étudiants. Ces
derniers pourront ainsi éclairer ces étudiants dans leur choix d’option en fonction des
besoins du pays (dans le secteur public et prive) et données conjoncturelles.
Pour ce faire, les étudiants guinéens du Maroc proposent la création d’un événement
qui pourrait être intitule. Le forum de l’étudiant guinéen au Maroc...
Comme susmentionné, cet événement sera non seulement une plateforme d’échanges
entre les autorités de l’enseignement supérieur et les enfants du pays venus chercher la
science et le savoir, mais aussi un lieu de rencontre entre les étudiants en fin de
formation et les représentants d’entreprises évoluant en Guinée.
Cet événement peut être organise au Maroc et agrémente de conférences animées par
d’intellectuels guinéens choisis par le Ministère de l’enseignement supérieur ou par
d’autres départements.
Excellence Monsieur le Président de la République
Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique
Monsieur le Ministre des affaires étrangères
Mme la Ministre déléguée des guinéens de l’étranger
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, voila le sombre tableau de la
situation de vos enfants à l’étranger, vos étudiants et vos lauréats, notamment au
Maroc (mais nous croyons que c’est le même cas dans tous les pays ou se trouvent les
étudiants guinéens à l’étranger). Nous vous y avons décrit les causes et les
conséquences mais aussi les solutions de cette tragédie nationale. Nous espérons que
nous serons entendus, que notre message ne restera pas lettre morte comme ca a
toujours été le cas par le passe. Nous espérons parce que vous prônez le
changement, parce que vous voulez le changement pour notre pays, la Guinée.
Or le changement commence aussi par la valorisation des compétences et des talents.
Donc nous croyons fermement que nous pouvons nous en remettre a votre
engagement a introduire le changement dans le système éducatif de notre pays pour
nous tirer, nous qui sommes vos ambassadeurs de la connaissance et du savoir a
l’étranger, de cette triste situation qui dure plus d’une dizaine d’années.


Le bureau exécutif central de l’ASEGUIM 2011-2012
ASEGUIM
10/11/2011

reçu le 21/11/2011