ENTRETIEN. L'EurAfrican Forum organisé à Carcais inscrit le Portugal dans le sillon des pays qui se veulent en première ligne dans le renforcement du partenariat euro-africain. Richard Attias,
ancien manitou du forum de Davos, nous en explique l'opportunité.
Le Point Afrique : Après la France, traditionnellement présente en Afrique, l'Allemagne, qui a mis en place un programme dédié à ce continent, le Portugal entre dans le concert des nations qui
veulent installer un lien fort avec les pays au sud de la Méditerranée et aussi au-delà du Sahara avec l'EurAfrican Forum organisé à Cascais ce 10 juillet 2018. Est-ce quelque part une nouvelle
illustration d'une Europe en ordre dispersé sur l'Afrique au moment où se préparent les négociations post-accord de Cotonou entre justement l'Europe et l'Afrique pour de nouvelles relations
commerciales ?
Richard Attias : Tout d'abord il est important de rappeler que le Portugal a une histoire avec l'Afrique, tout comme la France et l'Espagne. Plusieurs pays dont l'Angola, le Mozambique, la Guinée
Bissau, la Guinée équatoriale, Sao Tomé, notamment. Il y a donc des racines communes qui justifient cette démarche à un moment où l'Afrique a besoin de nouveaux partenaires et où l'Europe et le
Portugal sont à la recherche de nouveaux marchés. Le Portugal a par ailleurs un fort ancrage dans l'Union européenne et une personnalité importante du pays, José Manuel Barroso qui préside ce
forum, a été pendant des années le président de l'Union européenne. Tous ces ingrédients expliquent notre démarche initiée par la diaspora portugaise. L'idée majeure est en fait d'avoir un
leadership portugais dans une approche européenne. L'Europe doit rétablir de nouvelles relations équilibrées en Afrique basées sur une confiance mutuelle. Le récent voyage du président de la
République Emmanuel Macron, avec une forte délégation de chefs d'entreprise, en est une très bonne illustration. L'Afrique mature, indépendante, innovatrice doit avoir d'autres choix que la Chine
et la Turquie fortes de leurs offres de financements de projets.
Qu'est-ce qu'un pays comme le Portugal peut apporter de nouveau dans le dialogue euro-africain de ce début de XXIe siècle marqué par la montée du protectionnisme aujourd'hui dopé par les prises
de position du président américain, Donald Trump ?
Le Portugal a une économie saine, et elle est classée parmi les meilleures progressions en 2017. C'est un pays qui incarne la paix, et qui a réussi à diversifier son économie, ce qui,
aujourd'hui, est la seule formule gagnante pour l'Afrique. Dans des secteurs tels que le textile, l'automobile, l'électronique, l'alimentation, la construction, le tourisme et ses différentes
niches, et j'en passe, le Portugal a une très belle carte à jouer. Et puis face au protectionnisme, s'il y a bien un pays en Europe qui sait combien il est important de partager, et dont les
ressortissants ont bénéficié de cette dynamique positive, c'est bien le pays de Vasco de Gama.
Beaucoup de personnalités sont présentes à l'EurAfrican Forum. Au-delà des échanges de points de vue autour de sa thématique centrale qui est d'instaurer « une confiance mutuelle pour des
partenariats plus forts » et de « forger des coalitions pour le changement », que prévoit-il pour la mise en œuvre concrète des préconisations des uns et des autres ?
Les préconisations seront analysées, consolidées et remises aux autorités portugaises, au conseil de la diaspora dont les membres éminents pilotent un grand nombre de groupes internationaux tels
que PSA, Goldman Sachs International. Il leur appartiendra de mettre en œuvre ces recommandations, en concertation avec leurs pairs européens, avec un objectif commun de conquérir des parts de
marché et aller de l'avant. Un forum est un catalyseur.
Plus que jamais l'inclusivité, est le pivot essentiel autour duquel se joue l'adhésion des principales cibles d'un tel forum. Quels sont les outils prévus pour s'en assurer et ainsi se donner la
chance que l'EurAfrican Forum ne soit pas une rencontre de haut niveau de plus entre l'Europe et l'Afrique ?
La priorité a été donnée à la nouvelle génération des décideurs, jeunes entrepreneurs, blogueurs et personnalités engagées. Lesquels s'exprimeront devant les ministres présents, européens et
africains, mais aussi des personnalités issues de la société civile. Ils participeront à nourrir leur programme d'actions. Je pense, et j'espère ne pas me tromper, que, ces deux dernières années,
un grand nombre de ces élites auxquelles vous faites référence ont compris qu'elles ne détiennent pas la vérité et qu'elles doivent agir avec humilité et considérer l'inclusivité que vous évoquez
comme un impératif. Pour ma part, c'est un mot d'ordre depuis plus de dix ans. La création du « African Citizen Forum » en fut un exemple concret.
Propos recueillis par Malick Diawara, lepoint.fr
Le 9 juillet 2018
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