Le colonel Issa Camara et dix autres éléments de sa garde rapprochée ont été inculpés mercredi par le tribunal militaire de Conakry de "coups et blessures, vols, pillages et incendies" perpétrés au mois de juin dans le nord du pays.
Les doigts chargés de bagues et les bras de gris-gris, le colonel Issa Camara alimentait toutes sortes de fantasmes. Cet ancien gouverneur de la région administrative de Mamou (Moyenne Guinée), jusqu’ici considéré comme intouchable, a finalement été rattrapé par la justice. Ironie du sort pour celui qui s’était octroyé la fonction de juge, indépendamment des tribunaux, entre 2008 et 2010 à l’époque de la junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara.
Un camion mal stationné
Les faits remontent aux 17 et 18 juin derniers, quand le colonel Camara, alors commandant du camp d’infanterie de Mali, préfecture située à 557 km au nord de la Guinée, a ordonné à ses hommes « de donner 20 coups de ceinturon, qui n’a même pas de dents, sur les fesses » (selon ses propres mots) du chauffeur d’un camion mal stationné qui obstruait le passage de son cortège.
Déjà excédées par de précédentes exactions, les populations locales s’étaient soulevées pour demander le départ immédiat de l’officier et de ses hommes. S’en est suivie une répression militaire qui a fait trois blessés graves et conduit au pillage de 47 boutiques, dont sept sont parties en flammes, selon le bilan des organisations de défense des droits de l’homme sur place.
Interdiction de quitter Conakry
Désarmés et leurs documents de voyage saisis, les onze militaires inculpés ont été placés sous contrôle judiciaire et se sont vu signifier l’interdiction de quitter Conakry. Ils doivent se présenter deux fois par semaine devant les juges militaires chargés du dossier.
Une grande avancée judiciaire, se réjouit Me Labila Michel Sonomou, président de l’ONG « Avocats sans frontières » et avocat de l’une des victimes. « Il y a quatre mois que nous attendions cela. Nous souhaitons que la procédure se poursuive jusqu’à son terme », déclare-t-il à Jeune Afrique.
À la différence des cas des officiers militaires inculpés pour les massacres du 28 septembre 2009, « le plus important dans ce dossier, poursuit l’avocat défenseur des droits de l’homme, c’est que que le colonel Camara et ses éléments ont été placés sous contrôle judiciaire ». En conséquence, « ils ne peuvent pas sortir de Conakry sans l’aval des juges. Ils doivent se présenter deux fois par semaine et émarger dans un registre », précise Me Labila Michel Sonomou.
« Noyer le poisson »
L’autre avocat dans cette affaire, le président de l’ONG « Mêmes droits pour tous », Me Frédéric Foromou Loua, n’est cependant pas aussi satisfait de la procédure. « C’est une manière de noyer le poisson, dénonce-t-il. C’est à se demander par quelle gymnastique des auteurs d’infractions de droit commun se sont retrouvés devant le tribunal militaire. Les infractions militaires sont bien connues : alors que nous, dans nos rapports, nous les accusons de meurtres, vols, pillages et incendies. »
Et de constater que le colonel Issa Camara et ses hommes « devraient être placés non pas sous contrôle judiciaire mais sous mandant de dépôt. Si c’étaient des civils, ils seraient déjà en prison », tranche-t-il.
Il s’agit du deuxième dossier judiciaire traité par ce tribunal, après le jugement rendu le 3 mars 2016 concernant l’ancien chef d’état-major général des armées Nouhou Thiam et cinq autres militaires.
Diawo Barry
Jeune afrique
Le 17 novembre 2016
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matrixwar (vendredi, 25 novembre 2016 21:15)
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