L’Accord de Paris va-t-il faire pschitt à Bruxelles ? Un an après la conclusion de l’accord mondial destiné à limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C, la Commission européenne présente ce mercredi un ensemble de dispositions, appelé « paquet hiver », qui ne met pas vraiment l’Europe sur les rails de la transition énergétique, estiment les ONG. Le souvenir de la COP21 semble emporté par les lobbys et la résistance des pays membres dépendants des énergies fossiles : « Le compromis trouvé en 2014 était déjà obsolète par rapport à la COP21 et la Commission n’a encore pas saisi l’occasion d’aller plus loin », regrette Célia Gautier, du Réseau Action Climat (RAC).
Fin 2014, l’Union européenne avait en effet publié sa contribution en vue de la COP21 : les pays membre s’engageaient ainsi à atteindre, d’ici à 2030, une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 %, notamment grâce à une part des énergies renouvelables dans le mix énergétique portée à 27 % et à une amélioration de l’efficacité énergétique (des bâtiments et de l’industrie) de 27 %. Or, pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris, soit limiter le réchauffement climatique global à 2°C, ces engagements sont insuffisants. Et le paquet de directives publié ce mercredi n’arrange pas les choses : « L’Union européenne est tentée de plonger son système énergétique dans le formol, faute de trouver la voie de la transition énergétique », dénonce Denis Voisin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot.
Ainsi, en termes de soutien aux énergies renouvelables, l’objectif de 27 % est maintenu mais il aurait fallu aller beaucoup plus vite selon les ONG, qui appellent à viser les 45 % de renouvelables dans le mix énergétique européen en 2030. Elles dénoncent également l’abandon du principe de priorité donnée aux énergies renouvelables pour l’accès aux réseaux de distribution : « Comment expliquer à ceux qui ont investi dans les renouvelables qu’on donnera la priorité au charbon ou au nucléaire quelle que soit la météo ? », s’interroge Pierre Cannet, responsable du programme énergie et climat au WWF France.
Bonne nouvelle en revanche, l’objectif d’améliorer l’efficacité énergétique de 27 % sera porté à 30 % et deviendra contraignant pour les Etats membres. Un objectif crucial puisque 1 point d’efficacité énergétique gagné équivaut à économiser autant de CO2 qu’en émettraient 12 millions de voitures, chiffrent les ONG. Justement, ces dernières regrettent que les transports ne soient pas concernés par cet objectif de réduction de la consommation d’énergie : « La Commission européenne fixe des objectifs en matière d’utilisation d’agrocarburants alors qu’une étude qu’elle a elle-même commandée démontre qu’ils sont de gros émetteurs de gaz à effet de serre, en particulier parce qu’on déforeste pour compenser les terrains agricoles qui sont alloués à la production de carburant plutôt que d’aliments », explique Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement (FNE). « Nous demandons une réglementation de la consommation réelle des véhicules d’ici à 2025, qui serait un levier bien plus important pour l’efficacité énergétique. »
Après l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, le monde de la transition énergétique est en pleine recomposition : qui remplacera le duo leader USA-Chine ? L’Europe, qui était précurseur sur les questions climatiques, pourrait être en train de rater le train de la transition énergétique : « Le Conseil européen et le Parlement peuvent encore tirer les ambitions de l’UE vers le haut, et c’est ce qu’on attend des parlementaires français notamment », note Célia Gautier.
Audrey Chauvet
20 minutes
Le 29 novembre 2016
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