Après une nouvelle journée de crise en Côte d'Ivoire, le gouvernement a annoncé qu'un accord de sortie de crise avait été trouvé avec les mutins.
L’annonce a été faite à la télévision nationale, en début de soirée ce lundi 15 mai, par le ministre ivoirien de la Défense, Alain-Richard Donwahi. « A l’issue des échanges, un accord a été trouvé sur les modalités de sortie de crise » avec les soldats mutins, a-t-il déclaré, sans donner pour autant plus de détails sur le contenu de l’entente.
« Par conséquent, nous appelons l’ensemble des soldats à libérer les corridors (entrées de villes), à retourner dans les casernes et à veiller à la quiétude des populations », a poursuivi le ministre. Sera-t-il entendu ? Difficile à dire. La précédente annonce d’un « accord » actant le « renoncement (des mutins) à toute revendication d’ordre financier » faite par le sergent Fofana, présenté comme l’un de leurs porte-paroles lors d’une cérémonie enregistrée au palais présidentiel et retransmise jeudi 11 mai à la télévision nationale, avait ravivé la colère des soldats concernés.
« La solution pour sortir de la crise ? L’argent, rien que l’argent ! », expliquait à Jeune Afrique un des mutins joint par téléphone ce lundi 15 mai, alors que la tension franchissait un nouveau cap en Côte d’Ivoire et que les troubles touchaient de nombreuses villes du pays. À Korhogo (Nord), Bondoukou (Est), Man (Ouest), San Pedro (Sud), des tirs sporadiques ont été entendus mais c’est surtout Abidjan, la capitale économique, et Bouaké, la deuxième ville du pays, qui ont été les plus touchées.
À Abidjan, les troubles se sont concentrés autour d’Akouedo, où se trouve le plus important camp du pays, et du camp Gallieni, situé au Plateau, centre économique et politique. De nombreux axes alentours ont été barrés par les mutins. Bouaké, épicentre de la contestation, était quant à elle toujours aux mains des mutins, qui se livraient à des vols et des rackets.
Les deux villes ont tourné au ralenti. La plupart des banques sont restées fermées, de nombreuses entreprises et institutions internationales ont demandé à leurs employés de rester chez eux, les établissements scolaires français sont restés fermés et le seront également ce mardi. Dès lundi matin, l’ambassade française a mis en garde les ressortissants contre tout déplacement dans les quartiers touchés à Abidjan, dont le camp de Gallieni situé dans le quartier des affaires du Plateau, la base navale et le camp d’Akouédo où les mutins ont érigé un barrage lundi matin.
Les conséquences économique de cette nouvelle mutinerie se font déjà sentir pour de nombreux ivoiriens qui n’ont pu travailler, suscitant l’exaspération chez plusieurs commerçants que Jeune Afrique a pu joindre.
Les mutins ne décolèrent pas depuis l’annonce de leur « renoncement à toute revendication d’ordre financier » faite par le sergent Fofana, censé être un de leurs portes-paroles, le 11 mai. Ces anciens rebelles qui ont soutenu Alassane Ouattara lors de la crise électorale de 2010-2011 avant d’intégrer l’armée réclament le paiement des primes promises par le gouvernement après les mutineries de janvier qui ont secoué le pays. Les revendications s’élèvent à 12 millions de francs CFA de primes (18 000 euros). Avant l’annonce du ministre Donwahi, les négociations étaient en cours depuis la fin d’après-midi pour trouver une issue à la crise.
La rencontre de dimanche 14 mai entre des représentants des mutins et une délégation de l’état-major, menée les anciens comzones Issiaka Ouattara (dit Wattao), Chérif Ousmane, Koné Zakaria, et Hervé Touré (alias Vetcho) − respectivement commandant de la garde républicaine, chefs du premier bataillon de commandos et de parachutistes (1er BCP) et de l’unité de commandement et de soutien (UCS) et commandant du 3e bataillon de d’infanterie de Bouaké − s’était soldée par un échec.
Ce nouveau mouvement des anciens rebelles ivoiriens a éclaté quelques heures seulement après la mise en garde du chef d’état-major. Dans un communiqué, diffusé dimanche 14 mai, le général Sékou Touré avait averti les mutins, dénonçant leurs « actes contraires à l’éthique militaire ». « Ces actes d’une extrême gravité sont contraires à la mission de protection assignée aux forces armées. En conséquence une opération militaire est en cours pour rétablir l’ordre », avait-il fait savoir. Un coup de bluff ?
Jeune Afrique
Le 15 mai 2017
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