Ils sont Guinéens, Maliens, Ivoiriens ou Afghans et participent, cette semaine, aux Paris World Games. Mais leur statut de «mineurs isolés» en fait des sportifs pas
comme les autres.
Ils se prénomment Atighou et Hady, ont 16 ans et sont Guinéens. Lundi matin, avec leur équipe baptisée Timmy, ils ont facilement gagné (3-0) leur match de poules
des Paris World Games. Bons footballeurs, ces deux attaquants sont qualifiés pour la phase finale et font partie des favoris du tournoi.
Seulement lundi soir, lorsque leurs adversaires ont regagné leur hôtel après avoir goûté aux charmes de la Ville Lumière, Atighou et Hady ont dormi dehors. Dans la
rue. Les deux adolescents perdus dans la capitale sont des réfugiés, comme le sont leurs coéquipiers afghans, maliens ou ivoiriens.
Hady est arrivé en France en février. Atighou, qui a appris lundi, en sortant du terrain, que la Croix-Rouge ne pouvait plus l'héberger, est là depuis un mois. Pour
l'administration, ils sont des «mineurs isolés étrangers». «Généralement, on dit plutôt de nous que nous sommes des migrants, mais je déteste ce terme, plaide Hady. Je préfère réfugié car il
signifie qu'on vient ici pour fuir quelque chose.»
«Quand on a traversé la Méditerranée sur un Zodiac, rien ne peut plus nous faire peur»A l'évocation de leur passé, les regards se font subitement plus fuyants.
Comme si les horreurs qu'ils ont dû surmonter revenaient à la surface. «Ça fait peur de dormir dans la rue et de ne pas savoir ce qu'on va manger, poursuit l'adolescent Hady. Mais quand, comme
nous, on a traversé la Méditerranée sur un Zodiac, rien ne peut plus nous faire peur...»
Espérance Minart connaît bien leur détresse. Elle est l'une des responsables du collectif Timmy, spécialisé dans l'accompagnement des mineurs isolés étrangers.
C'est elle qui a monté l'équipe pour le tournoi.
«Ils parlent peu mais quand ils sont en confiance, ils finissent par nous confier leur secret et c'est terrifiant. Ils sont seuls en France, sans parent. Certains
les ont perdus dans les conflits chez eux. D'autres les ont perdus durant la traversée : leur frère et sœur sont parfois morts dans leurs bras. Ils craquent et c'est déchirant car ils restent des
enfants qui ont juste envie de s'en sortir. Ce ne sont pas des délinquants. Ils veulent respecter les règles de la République, s'intégrer, aller à l'école. Mais on ne leur donne malheureusement
pas toujours cette permission...»
«Quand je joue au foot, j'oublie mes soucis»
Dans ces conditions, un simple match de foot ressemble à une fenêtre sur une existence triste et angoissante. Les Paris World Games sont une délivrance de quelques
jours. Voire de quelques heures. «Quand je joue au foot, qui est mon grand amour, j'oublie mes soucis pendant quelques minutes, confirme Atighou. Hélas, quand le match se finit, c'est le
cauchemar qui recommence. Je réfléchis tout le temps car je n'ai que ça à faire de mes journées et, à mon âge, ce n'est pas bon du tout. Surtout que les pensées ne sont pas positives. C'est très
dur.»
Hady, qui veut simplement avoir le droit de retourner à l'école, se rêve «steward dans les avions». Hady, lui, se voit «grand footballeur». «Il n'est pas rare que
des garçons comme eux soient aussi les victimes de passeurs qui leur font miroiter des contrats dans de grands clubs de football européens, précise Espérance Minart. Parce qu'ils ont un peu de
talent, leurs parents ont aussi été embobinés. Le passeur prend leur argent et finit par les abandonner sur le premier trottoir, sans papier, ni argent.»
Le Parisien
Le 11 juillet 2017
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