Le Parquet près le Tribunal militaire permanent de Conakry a annoncé tard dans la nuit du mardi 25 juin 2024, le décès du Général Sadiba Koulibaly, ancien chef d’état-major général des armées et numéro 2 de la junte tombé en disgrâce auprès de ses compagnons.
Ce décès qui serait lié à un « psycho-traumatisme important et un stress prolongé » intervient moins de deux semaines après sa condamnation à 5 ans de prison ferme pour « désertion ». Il lui était reproché d’avoir abandonné son poste à l’étranger. Il était chargé d’affaires à l’ambassade de Guinée à Cuba depuis 2023 après son limogeage à la tête de l’état-major général des armées et son « refus » d’occuper le poste de ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat.
Au soir de sa condamnation, le chef de la junte, le Général Mamadi Doumbouya a pris un décret pour le rétrograder au grade de Colonel avant de le radier définitivement des effectifs des forces armées guinéennes.
Qui était l’homme ?
Le Général Koulibaly était connu pour son courage et sa détermination. Il a marqué sa carrière par son engagement sans faille au service de son pays. Cette carrière débute en 1999 avec son admission à l’Académie militaire du Maroc. En 2003, il rentre au pays et est promu au grade de sous-lieutenant.
Fin 2004, après l’obtention d’un brevet interarmées (BIA), il est nommé commandant de compagnie au sein du bataillon des commandos chinois à Kindia, poste qu’il occupera jusqu’en 2006.
L’homme au parcours académique et militaire atypique connaîtra une ascension fulgurante. Entre 2007 et 2011, il occupera successivement les postes de directeur des études par intérim, directeur des études et finalement directeur de l’École nationale des sous-officiers de Manéah.
Outre ses qualités militaires indéniables, le Général Koulibaly était également un grand leader et un homme d’une grande sagesse. Il était respecté et admiré par ses pairs et ses subordonnés pour son sens du devoir, son intégrité et son humanisme. C’est d’ailleurs en guise de reconnaissance pour toutes ses qualités qu’il sera sollicité en mars 2011 pour diriger l’École militaire interarmées (EMIA).
Entre 2015 et 2016, il est également coopté pour seconder le Commandant et en même temps chef du Bataillon
guinéen évoluant au sein de la mission des Nations unies au Mali (MINUSMA) et plus précisément à Kidal.
Le Général Sadiba Koulibaly était aussi un homme au cursus académique impressionnant, un grand intellectuel
:
• Application d’infanterie à Fort Benning (USA) 2006-2007
• Cours de commandement de compagnie en 2010 en Égypte
• Cours d’État-major à Libreville (Gabon) en 2011-2012
• Cours supérieur de défense (CSD) au Maroc en 2012-2013
• Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) à Paris (France) en 2017
• Cours des Nations unies pour les partenaires africains au Centre de formation des Nations unies
pour les opérations de maintien de la paix à New Delhi (Inde)
• Centre d’études stratégiques sur l’Afrique (CESA) ; Washington DC (USA)
• École de guerre aux États-Unis 2018-2019.
Il avait aussi dans son sac une maîtrise en relations internationales et un master en stratégie obtenus en
Pennsylvanie aux États-Unis d’Amérique en 2019. Comme pour dire que l’homme était aussi un grand intellectuel.
L’après-putsch
et le début des ennuis
Le 29 septembre 2021, après le coup d’État qui a renversé Alpha Condé, il est à la tête de la délégation de la
junte qui rencontre le président de la CEDEAO à l’époque, Nana Akufo-Addo, après la suspension de la Guinée des instances de l’organisation.
Le 12 octobre 2021, il est nommé chef d’état-major général des armées. Poste qu’il occupera jusqu’au 9 mai 2023.
Il est démis de ses fonctions et remplacé par le Général Ibrahima Sory Bangoura. La même soirée, il est nommé ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire, chargé
de la Récupération des Domaines Spoliés de l’État en remplacement du Général Ibrahima Sory Bangoura. Sadiba, qui voyait en cet acte une « humiliation », refusera le poste et il sera aussitôt
remplacé par Ibrahima Kalil Condé, précédemment gouverneur de Kindia. C’est
le début des ennuis pour l’homme.
Désormais encombrant pour ses anciens compagnons, en octobre 2023, il est envoyé en toute discrétion à Cuba
auprès de la représentation guinéenne comme chargé d’affaires.
Le 4 juin 2024, Sadiba Koulibaly est surpris par la descente
musclée d’un commando lourdement armé du groupement des forces spéciales et de la gendarmerie à son
domicile pour le mettre aux arrêts, lui et toute sa garde. Il est accusé d’abandon de poste et de détention illégale d’armes.
À son procès,
le 13 juin 2024, il explique sa venue à Conakry pour régulariser sa situation et celle du personnel de l’ambassade de Guinée à Cuba qui n’a pas reçu de salaire depuis cinq mois. Il indique avoir
informé et rencontré le chef de la diplomatie, Dr Morissanda Kouyaté. Ce que ce dernier aurait démenti.
À l’issue du procès, il est condamné le 14 juin en compagnie de six autres officiers à cinq ans de prison
ferme.
Dans la journée du mardi 25 juin 2024, des rumeurs folles circulent sur son décès avant d’être confirmées tard
dans la nuit par un communiqué du parquet du tribunal militaire permanent de Conakry.
Avec la contribution de Mamoudou Babila Keïta
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