INTERNATIONAL - Le chaos se poursuit au Sénégal. Le Parlement a adopté dans une grande confusion le projet de loi visant à repousser l’élection présidentielle au 15 décembre 2024, a constaté un journaliste de l’AFP ce lundi 5 février.
La loi a été adoptée dans la nuit de lundi à mardi à la quasi-unanimité, par 105 voix pour et une voix contre, après que les députés de l’opposition qui faisaient obstruction au vote ont été évacués manu militari par la gendarmerie. D’après l’AFP, la tension est tellement montée dans l’hémicycle que des députés en sont venus aux mains.
Autour du Parlement (il n’y a pas de Sénat au Sénégal), les gendarmes ont repoussé avec des gaz lacrymogènes des tentatives sporadiques de rassemblement à l’appel de l’opposition. De petits groupes se sont repliés plus loin en scandant « Macky Sall dictateur ! », du nom du président sénégalais.
Manifestations sur le quartier du Plateau
Le quartier du Plateau, siège de la décision politique, a offert le spectacle rarissime de protestataires en petit nombre jouant au chat et à la souris avec les forces de sécurité parmi les Dakarois vaquant à leurs activités autour de l’Assemblée placée sous la protection de dizaines de gendarmes et de policiers appuyés par des véhicules lourds.
« L’essentiel pour moi est de dire non à cet agenda politique, ce coup de force pour essayer de rester au pouvoir », a dit à l’AFP l’un des manifestants, Malick Diouf, 37 ans.
Le Sénégal, réputé comme un îlot de stabilité en Afrique de l’Ouest, est en proie à de vives tensions depuis que le président Sall a annoncé samedi, quelques heures avant l’ouverture de la campagne, le report de la présidentielle prévue le 25 février.
« Coup d’État constitutionnel »
Le report du scrutin vise à « éviter une instabilité institutionnelle et des troubles politiques graves », et à mener « une reprise complète du processus électoral », ont indiqué des députés en commission préparatoire dans un rapport.
Ce report de plus de six mois permet de tenir compte des « réalités du pays », avec notamment la difficulté de tenir une campagne électorale en pleine saison des pluies, entre juillet et novembre, ou encore la collision avec de grandes fêtes religieuses, souligne le rapport.
Cette décision dénoncée avec virulence par ses détracteurs comme un « coup d’État constitutionnel » plonge le pays dans l’inconnu et fait craindre une ébullition, qui ne s’est pas confirmée pour le moment. Elle a causé un tollé parmi les candidats qualifiés et dans la société civile, y compris dans les milieux religieux.
Les autorités ont réprimé de premières tentatives de rassemblements dimanche. L’internet a été coupé lundi, moyen devenu courant ailleurs d’enrayer les mobilisations et déjà employé par le gouvernement sénégalais en juin 2023, dans un contexte de crise politique.
Sept mois de plus pour Macky Sall
« Le Sénégal est considéré de longue date comme un modèle de démocratie dans la région. Cette réalité est aujourd’hui menacée », a écrit Human Rights Watch. La crise fait redouter au Sénégal un nouvel accès de fièvre comme ceux qu’il a connus en mars 2021 et juin 2023, qui ont causé des dizaines de morts et donné lieu à des centaines d’arrestations.
Le flou maintenu pendant des mois par le président Sall sur une nouvelle candidature en 2024 avait contribué aux crispations à l’époque. Il avait finalement annoncé en juillet 2023 qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat.
L’opposition dénonce une dérive autoritaire du pouvoir. Avec l’ajournement de la présidentielle, elle soupçonne un plan pour éviter la défaite inévitable selon elle du camp présidentiel, voire pour prolonger la présidence Macky Sall, malgré l’engagement réitéré samedi par ce dernier de ne pas se représenter.
huffpost
Le 6 février 2024
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