La junte militaire au pouvoir depuis un an dit vouloir lutter contre la corruption et « nettoyer » la classe politique. Mais de nombreuses voix dénoncent des méthodes brutales, une volonté de s’éterniser au pouvoir et un mépris croissant pour les droits humains. Cela n’empêche pas Paris de vouloir intensifier ses relations avec Conakry.
ConakryConakry (Guinée).– Pour quelqu’un qui dit ne pas aimer le « culte de la personnalité », le colonel Mamadi Doumbouya a un nombre troublant de photos à sa gloire.
Quelques heures après son putsch réussi à la tête de la Guinée, le 5 septembre 2021, l’homme au béret rouge avait pris soin de faire venir un journaliste au quartier général des forces spéciales - qu’il dirigeait. Dans sa première interview en tant que nouveau chef de l’État, le tombeur du président Alpha Condé déclarait : « Il est temps pour nous de mettre nos ego de côté […]. Qu’on puisse dépersonnaliser la politique, parce que la personnalisation de la politique ne nous a amené que le chaos. »
Un an plus tard, des portraits de lui en 4 mètres par 3 – voire plus – s’affichent dans tout le centre-ville de Conakry, la capitale guinéenne. Ils vantent « l’opiniâtreté du colonel-patriote » ou affichent simplement son visage et son buste, bardé de distinctions, au-dessus de la longue liste de ses fonctions : « Son Excellence Colonel Mamadi Doumbouya, président du CNRD [l’organe décisionnel de la junte – ndlr], président de la transition, chef de l’État, chef suprême des armées. »
Le colonel Doumbouya, dont les premières déclarations avaient suscité de grands espoirs de changement, a fait du chemin. Celui qui répétait vouloir « rendre le pouvoir » au peuple a annoncé que la « transition » durerait trois ans, et a interdit toute manifestation. Il a bien semblé vouloir mettre en œuvre des politiques de lutte contre la corruption. Mais elles semblent, au mieux, mises en œuvre de manière chaotique ; et au pire, utilisées pour se débarrasser d’opposants potentiels.
Coup de balai (chaotique) dans la fonction publique
Enfoncé dans son canapé, monsieur Bah regarde une compétition de golf. Lorsqu’on lui demande s’il aime ce sport, le sexagénaire répond avec le ton de l’évidence : « Pas du tout. » Mais il faut bien s’occuper. Depuis qu’il a été mis à la retraite sans préavis, il y a huit mois, les journées de cet ingénieur des Eaux et forêts sont longues.
« Il me restait en principe trois ans de service. Mais en décembre, on m’a dit que c’était terminé », détaille-t-il. Comme lui, plus de huit mille autres fonctionnaires guinéens de plus de soixante ans (policiers, militaires, employés communaux, enseignants, magistrats…) ont été remerciés, ont décompté les syndicats guinéens. Ils l’ont appris, pour la plupart, en entendant leur nom cité dans de longs arrêtés lus à la télévision publique.
Le 10 septembre 2022
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