Burkina Faso : le siège du parti au pouvoir incendié, coups de feu dans plusieurs casernes

OUAGADOUGOU (Reuters) - Des tirs soutenus ont retenti dimanche de plusieurs camps militaires au Burkina Faso et le siège du parti au pouvoir a été incendié alors que des soldats réclament davantage de soutien du gouvernement dans leur lutte contre les militants islamistes, ainsi que la démission des chefs de l'armée et des services de renseignement.

Le gouvernement a appelé au calme, démentant des spéculations diffusées sur les réseaux sociaux selon lesquelles l'armée aurait pris le pouvoir ou détenu le président Roch Kaboré.

Des tirs nourris ont d'abord été entendus dans le camp de Sangoulé Lamizana, dans la capitale Ouagadougou, qui abrite l'état-major de l'armée et une prison dont des détenus sont des soldats impliqués dans une tentative de coup d'État manquée en 2015.

Selon un journaliste de Reuters, ces coups de feu ont pu être entendus dès 05h00 et des soldats ont été vus en train de tirer en l'air dans le camp, ainsi que sur une base aérienne située près de l'aéroport international. Un témoin a également signalé des tirs dans une caserne située à Kaya, à environ 100 km au nord de Ouagadougou.

 

L'ambassade des Etats-Unis a fait état pour sa part de coups de feu dans des bases militaires à Ouagadougou et dans des bases à Kaya et Ouahigouya, une ville dans le nord du pays.

Dans la capitale, un journaliste de Reuters a par ailleurs contasté que des manifestants avaient incendié et pillé le siège du Mouvement populaire pour le progrès (MPP) de Roch Marc Christian Kaboré, le président du Burkina Faso.

 

S'adressant aux journalistes devant le camp de Sangoulé Lamizana alors que des soldats tiraient en l'air derrière lui, l'un des mutins a énuméré une série d'exigences, parmi lesquelles la démission du chef d'état-major de l'armée et du chef du service de renseignement.

Il a également réclamé davantage de moyens et une formation appropriée pour l'armée, qui a subi de lourdes pertes ces derniers mois face aux militants liés à Al-Qaïda et à l'État islamique.

Le gouvernement a confirmé que des coups de feu avaient été tirés dans certains camps mais a démenti des rumeurs, diffusées sur les réseaux sociaux, selon lesquelles l'armée aurait pris le pouvoir.

S'exprimant à la télévision nationale, le ministre de la Défense, le général Bathelemy Simpore, a déclaré que la raison de ces tirs n'était toujours pas claire."Le chef de l'Etat n'a pas été arrêté, aucune institution du pays n'a été menacée", a-t-il dit. "Pour l'instant, nous ne connaissons pas leurs motivations ni ce qu'ils demandent. Nous essayons d'entrer en contact avec eux."

Des centaines de personnes sont descendues dans les rues pour soutenir les mutins, scandant notamment ""Libérez le pays !". Près de la place de la Nation, dans le centre-ville de Ouagadougou, la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser environ 300 manifestants.

Une centaine de manifestants se sont également rassemblés près du camp de Sangoulé Lamizana, où ils ont entonné l'hymne national.

NetBlocks, qui assure une veille des blocages d'internet, a déclaré que l'accès au web avait été interrompu vers 10 heures dans le pays.

 

CRAINTES DE COUPS D'ÉTAT

Les gouvernements d'Afrique de l'Ouest et du Centre sont en état d'alerte après des coups d'État survenus au cours des 18 derniers mois au Mali et en Guinée. L'armée a également pris le pouvoir au Tchad l'année dernière après la mort du président Idriss Deby sur le champ de bataille.

Les autorités burkinabées ont arrêté au début du mois une douzaine de soldats soupçonnés de complot contre le gouvernement.

 

Ces arrestations ont suivi un chamboulement au sein de l'état-major, en décembre, que certains analystes ont interprété comme une tentative de Roch Marc Christian Kaboré de renforcer son soutien au sein de l'armée.

La recrudescence d'actions violentes menées par des militants islamistes liés à Al-Qaïda et à l'État islamique au Burkina Faso ont provoqué la mort de plus de 2.000 personnes l'année dernière et suscité en novembre des manifestations virulentes appelant à la démission du président.

Des manifestations supplémentaires étaient prévues samedi, mais le gouvernement les a interdites et la police est intervenue pour disperser les centaines de personnes qui tentaient de se rassembler à Ouagadougou.

Parmi les détenus de la prison de Sangoulé Lamizana figure le général Gilbert Diendere, qui était l'un des principaux alliés de l'ancien président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, renversé lors d'un soulèvement en 2014.

 

Après avoir dirigé une tentative de coup d'État ratée l'année suivante contre le gouvernement de transition, Gilbert Diendere a été condamné en 2019 à 20 ans de prison.

(Reportage Thiam Ndiaga et Anne Mimault, avec Ange Aboa, rédigé par Aaron Ross et Bate Felix; version française Benjamin Mallet et Claude Chendjou).

 

Reuters,

Le 23 janvier 2022

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